Assis par terre, le dos contre le canapé, Sho tapotait sur le clavier de son ordinateur, d’un air extrêmement concentré. La télé était éteinte. Pas un bruit ne venait le perturber. Mais la fatigue commençait à se faire sentir. Ses yeux picotaient légèrement et une douleur dans le bas du dos le lançait de plus en plus. Le rappeur se força encore un peu puis, arrivé au bout de son rapport, il ferma l’écran et s’étira longuement.
« Fini~~ » Se réjouit-il, avec un sourire satisfait.
Il laissa sa tête retomber sur le canapé et ferma les yeux. Quelques secondèrent s’écoulèrent ainsi mais Sho se redressa très vite pour jeter un coup d’œil à sa montre. Voyant qu’il n’était pas trop tard, il attrapa son portable posé sur la table basse et chercha le numéro de Jun dans son répertoire. Une question planait dans son esprit depuis quelques jours déjà mais il n’avait trouvé ni le temps ni l’occasion de la lui poser.
Jun décrocha au bout de la troisième sonnerie. Sa voix ne laissait paraître aucune inquiétude et pourtant la première question qu’il posa montrait qu’il n’était jamais serein lorsqu’un des membres d’Arashi l’appelait tard le soir (même s’il n’était que vingt-deux heures).
« Sho-kun ? Tout va bien ?
-ça va. Tu travailles ?
-Non non. Dis-moi.
-C’est pas important mais comme ça me perturbe… Tu te souviens, l’autre jour au restaurant avec Satoshi-kun ? Quand je m’apprêtais à parler de Nino, tu m’as arrêté.
-Oui… Et ?
-Bah je me demandais juste… Pourquoi ? Si je lui avais dit que, peut-être, Nino était un peu jaloux-
-J’avais justement pas envie que tu le lui dises.
-Eh ?
-Il est préférable qu’on reste en dehors de tout ça. Si on s’en mêle, ils vont se douter qu’on est au courant de quelque chose.
-Mais s’ils se disputaient ? ça ne te fais pas peur ?
-Crois-moi, ils sont tous les deux tellement accroc que même la plus grosse des disputes n’arrivera pas à les éloigner l’un de l’autre.
-T’es sûr ? Moi je le sens pas.
-T’inquiète pas je te dis. Laisse-les se débrouiller tout seul. Dispute ou pas, ils sont grands et responsables. Ils sauront trouver une solution. Ils
devront trouver une solution.
-Matsujun… J'arrive pas à déterminer si tu es impressionnant ou effrayant.
-Euh… Ni l’un ni l’autre ? Non mais sérieusement. On reste en dehors de ça d’accord ?
-Compris. »
Quelques kilomètres plus loin, dans une petite pièce mal éclairée, se tenait une réunion qui était sur le point de s’achever. Les cinq six personnes encore présents gardaient les yeux rivés sur leur script tandis qu’un vieil homme au teint clair, se tenant debout devant une table bancale, concluait.
« Et donc la première répétition aura lieu dans une semaine, ce qui vous laisse le temps de jeter un coup d’œil au scenario et à vos répliques. Avec Aiba-kun, cette pièce de théâtre aura un très grand succès.
-Ne dîtes pas ça, fit le concerné en souriant d’un air embarrassé.
-Mais si, mais si. Allez je pense qu’on a fini maintenant. Je vous dis à la semaine prochaine. »
Les yeux d’Aiba se mirent soudain à papillonner. Il regarda les autres se lever et ranger leurs affaires puis regarda sa montre.
« Eh ? On a déjà fini ?? » Pensa-t-il, surpris.
Très vite, un sourire se dessina sur son visage et il s’empressa d’envoyer un message à une personne qui, sûrement, se réjouira encore plus que lui.
« Diiiiiis ! J’ai fini plus tôt que prévu. Tu veux pas venir maintenant ? »Chieri lui répondit moins de dix secondes plus tard.
« J’arrive tout de suite ! »A cette réponse, le sourire d’Aiba s’élargit un peu plus. Il regarda de nouveau sa montre : vingt-deux heures. S’il se dépêchait, il pourrait être chez lui dans une vingtaine de minutes. Le chanteur attrapa aussitôt son sac et fonça en direction de sa voiture qu’il démarra sans traîner.
23h00 :Allongé de tout son long sur le canapé, Aiba regardait une émission étrange sur, justement, les trente histoires les plus étranges du Japon. L’émission en question était passionnante mais le chanteur n’accrochait pas tellement. L’esprit ailleurs, il ne cessait de jeter des coups d’œil à l’horloge et soupirait sans arrêt.
« Elle en met du temps. »
Il venait tout juste de faire la remarque que la sonnerie de l’appartement retentit, comme par magie. Ce petit son qu’il avait tant attendu suffit à lui redonner le sourire. Aiba se leva d’un bond et s’avança vers la porte qu’il ouvrit grand.
« Yaho~ ! »
Mais sa bonne humeur se volatilisa lorsque son regard jusque-là si pétillant se posa sur le visage de son amie.
« Chie-chan ? »
La jeune fille ne lui dit rien. Il baissa la tête et entra dans l’appartement comme si de rien n’était. Se sentant un peu perdu, Aiba referma la porte et suivit la lycéenne. Celle-ci s’était installée sur le canapé mais n’avait toujours pas relevée la tête. Aiba ne put s’empêcher de poser la question. Chieri lui servirait sans doute un « rien » en guise de réponse mais tant pis, il tenta quand même.
Il s’approcha donc du canapé et demanda :
« ça va pas ? Qu’est-ce qui t’arrive ?
-Rien. »
Le chanteur réprima un sourire. Il commençait à bien connaître Chieri et ça lui faisait plaisir, même si ce n’était pas le moment de se réjouir. Il aurait voulu insister davantage mais pensant que ça n’était pas une très bonne idée, il choisit finalement une toute autre option.
« Tu veux boire quelque chose ? Je te fais du thé ?
-Je veux bien merci. »
Après avoir laissé échapper un « Je reviens » Aiba s’éloigna vers la cuisine et prépara deux tasses de thé qu’il ramena dans le salon.
Chieri avait retiré son manteau et le serrait à présent contre elle, le visage à moitié enfouit dans le tissu.
« Tu as froid ? La question Aiba en souriant de nouveau.
-Non. »
Chieri écarta le manteau, le posa sur l’accoudoir du canapé et prit la tasse de thé que lui tendait le chanteur. Ils burent tous les deux le liquide brûlant sans s’échanger le moindre mot, jusqu’à ce que le silence devienne trop dur à supporter pour le pauvre Aiba qui demanda pour la seconde fois :
« Allez dis-moi ce qui va pas !
-Je t’ai dit que c’est rien. Tu vas te moquer de moi si je te le dis.
-Non, je te promets que non. Ça m’inquiète, dis-le moi.
- …
-Tu t’es disputée avec Nao-chan ?
-Non.
-T’as perdu quelque chose d’important ?
-Non plus.
-Pourtant t’étais de bonne humeur quand on avait prévu de se voir ce soir. Il s’est passé quelque chose après ?
-Mes parents m’ont appelé tout à l’heure.
-Pour prendre de tes nouvelles ?
-Pas vraiment. »
Chieri s’arrêta de parler et fixa sa tasse de thé comme si elle aurait voulu se noyer dedans.
« Ils veulent que je rentre à la maison pour les fêtes.
-EH ? »
Le cœur d’Aiba rata un battement. Il s’empressa d’ajouter :
« Ils veulent que tu reviennes pour de bon ?
-Non ! Non ! Juste pour les fêtes.
-Ouf ! J’ai eu peur. Bah ça va alors. C’est normal qu’il veuille te revoir. Les fêtes, c’est une bonne occasion pour retrouver sa famille. Tu devrais être contente aussi non ? Pourquoi tu fais cette tête ?
-Je leur ai dit que je ne viendrais pas. Et ça ne leur a pas plu.
-Hein ? Mais pourquoi tu veux pas y aller ?
-Je veux vraiment mais VRAIMENT pas y aller !! Je… Je veux rester ici.
-Ne dis pas ça. Ça doit faire longtemps que tes parents ne t’ont pas vu. Tu dois leur manquer.
-Mais je veux… »
La lycéenne leva brusquement les yeux vers Aiba, le regarda quelques secondes puis baissa de nouveau la tête. Aiba comprit alors plus ou moins à quoi pensait son amie.
« Tu voulais passer Noel avec moi ?
- …
-C’est pas grave tu sais ? On pourra s’appeler. Puis-
-C’est pas Noel que je voulais passer avec toi.
-Hm ?
-Il y a plus important encore.
-Plus important que N… Ah !!
-Ton anniversaire. Je vais pouvoir te le souhaiter pour la première fois. Et j’ai pas envie de le faire par téléphone !! Je veux pas retourner chez moi !!
-Chie-chan… »
La lycéenne était au bord des larmes. Elle qui était pourtant si joviale d’habitude était sur le point de pleurer. Pour une telle raison qui plus est.
La voir dans cet état fit naître en Aiba une sensation assez difficile à décrire. Comme si… Comme s’il rencontrait Chieri pour la première fois. Une toute nouvelle Chieri qu’il n'avait encore jamais vu.
« Tu veux que je parle à tes parents ? Lui demanda soudain Aiba.
-Nooooon ! »
Le chanteur eut un petit rire amusé. Il l’observa un instant puis s’approcha et la prit dans ses bras, la serrant tendrement contre sa poitrine.
« Tu me prends pour une idiote pas vrai ?
-Pas du tout. »
La lycéenne ferma les yeux et se laissa bercer par les battements de cœur du chanteur dont le rythme paraissait étrangement élevé.
« Dis Chie-chan ?
-Hm ?
-Tu veux pas rester ici cette nuit ? … Avec moi. »
A suivre...