Un Endroit où se retrouver

« Kei-chan~~ Un autre verre s’il te plaît ♥ !
-k-Kei-chan ? »
Le jeune employé beugua complètement en entendant cette appellation. C’était déjà surprenant que Nino se souvienne de son nom alors l’entendre l’appeler aussi affectueusement… Kei n’en croyait pas ses oreilles qui, d’ailleurs, semblaient s’embraser.
« ça suffit avec l’alcool ! Intervint Aiba, jetant le torchon qu’il tenait pour confisquer le verre de son ami. On n’est pas dans un bar ici.
-Juste un verre, allez euuuh !
-T’auras ni un verre ni une fourchette. Qu’est-ce qui te prends ? Tu bois jamais d’habitude.
-C’est parce que je suis heureux. Ma-chan, laisse-moi fêter ça.
-« Ma-chan » ? Alors là t’es vraiment bourré. Stop ! ça suffit, je t’emmène en haut. Décidément, ma chambre est devenue un abri pour les clients ivres. Quel triste sort.
-Vous voulez que je vous aide m’sieur ?
-Non, je crois qu’il est en état de marcher. Tu peux rentrer Kei. Je m’occupe du reste.
-Très bien. A demain. »
L’employé regarda son patron tirer Nino du tabouret pour l’emmener à l’étage.
Je me demande si ça va réellement… Pensa le jeune homme, l’air pas très convaincu.

Les mêmes doutes surgirent dans l’esprit d’Aiba lorsqu’il allongea son ami sur le lit. Il continuait de se dire que ça ne ressemblait pas à Nino de boire au point de se saouler. Quelque chose avait sans doute dut lui arriver. Mais quoi ? S’interrogea Aiba.
Quelque chose lui disait que sa question restera à jamais sans réponse. Mais peut-être se
trompait-il ?


Une sonnerie brisa subitement le silence de la nuit, tirant Jun de son profond sommeil réparateur.
« Raaaah ! »
Tout en se plaignant et grognant, l’homme se redressa tant bien que mal et prit le réveil dans sa main droite.
« Il est trois heures du matin bon sang ! »
Son corps retomba comme une masse sur le matelas. La sonnerie retentit alors une deuxième fois. N’ayant pas d’autre choix Jun s’extirpa de sa couette, tituba jusqu’au salon et ouvrit la porte d’entrée.

« Désolée ! Désolée ! Vraiment désolée !
-Trois heures du matin Kyoko !Râla Jun, dont les cheveux en bataille partaient dans douze directions différentes.
-Je suis vraiment vraiment vraiment désolée ! Promis je viendrais plus tôt la prochaine fois.
-J’ai déjà entendu cette promesse la semaine dernière.
-Désoléééééééééée !
-C’est bon entre.
-Yatta* ! »

Inutile de le lui redire. La psychologue entra, retira ses chaussures et se pencha vers Jun dans le but d’obtenir un petit baiser mais le jeune homme l’immobilisa en posant son index sur le front de Kyoko.
« Pas de bisou quand on arrive au beau milieu de la nuit.
-EH ???? Tu peux pas me faire ça !
-Si je peux. Dépêche-toi d’aller te coucher, je commence super tôt demain. Ou plutôt aujourd’hui.
-Mais moi aussi.
-Alors on commencera tous les deux super tôt, c’est parfait. »

Sans rien ajouter d’autre, Jun retourna dans sa chambre et se recoucha comme si de rien n’était. Loin de s’inquiéter face à cet accueil peu chaleureux, Kyoko se déshabilla, enfila une chemise de nuit qu’elle avait apportée puis se glissa sous la couverture. Juste au moment où elle fermait les yeux pour tenter de s’endormir, la voix de Jun retentit soudain.
-Tu veux pas que je te fasse le double des clés ?
- …
- …
- … »

La lumière qui s’alluma d’un coup força le cuisinier à fermer les yeux quelques secondes. Il les rouvrit ensuite puis se retourna pour faire face à Kyoko.
« Quoi ? Fit-il en remarquant que la jeune femme l’observait avec de grands yeux ronds.
-Qu’est-ce que t’as dit là ?
-« Quoi » ?
-Non, juste avant ! L’histoire des clés.
-Ben… Je me disais juste que ça serait plus pratique.
-Attends attends. On est d’accord que ce que tu me proposes c’est de me faire un double de TES clés. Les clés de TON appartement ?
-Bah oui. De quel autre appartement sinon ?
-Et tu me proposes ça comme ça ? Dans le noir, en pleine nuit, dans le lit ? »

La réaction de sa petite amie amusa Jun. Elle en faisait toujours une tonne pour pas grand-chose. Ça lui ressemblait bien.
-J’ai compris, dit-il en se recouchant. La prochaine fois que j’ai un truc à te demander, j’attendrais qu’il fasse jour et quoi soit debout l’un en fasse de l’autre. Je dois aussi prendre un air grave comme si je t’annonçais la fin du monde ? »

Un oreiller s’abattit sur sa tête de Jun en guise de réponse. Mais la seconde suivante, deux bras vinrent s’enrouler autour de sa taille et le serrèrent tendrement. Kyoko déposa ensuite un petit baiser dans son cou puis ferma les yeux.
« Je vais prendre ça comme un oui. » Conclut alors Jun, non sans un sourire.


à suivre...

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Notes:

*Yatta: Il s'agit du verbe "yaru" (やる) qui signifie "faire". Cette forme au passé est souvent utilisée lorsqu'on veut exprimer notre réjouissance.

Kei faisait tranquillement ses courses pour le dîner de ce soir. Etant donné que c'était son jour de repos (son seul et unique jour de repos de la semaine), il n'avait pas la possibilité de prendre ses repas dans le restaurant où il travaillait. Il s'est donc dit « Et si je me préparais à manger comme un vrai cuisinier? » C'était ce qu'il était après tout, un apprenti cuisinier.
Kei s'était donc arrêté dans le conbini le plus proche et arpentait maintenant le rayon des légumes sans trop savoir quoi prendre.
Pendant qu'il hésitait entre poireaux et aubergines, un homme arriva à sa gauche et laissa parcourir son regard le long du rayon. Il semblait lui aussi réfléchir intensément.

Au départ ce qui capta l'attention de Kei était le parfum que portait cet individu. Kei avait toujours cette manie de sentir tout ce qu'il avait à portée de main. Le parfum qui flottait près de lui était tellement agréable qu'il détacha son regard des poireaux pour le poser sur cet homme qui, lui, ne faisait absolument pas attention à lui.
« Oh! »
L'exclamation lui avait complètement échappé. Kei posa une main devant sa bouche, l'air gêné. En revanche, l'homme en face de lui esquissa un petit sourire ce qui eut pour effet d'amplifier l'étonnement du jeune cuisinier.

« Vous... Vous vous souvenez de moi? Demanda Kei, les yeux grands ouverts.
-Bien sûr. Vous travaillez bien à « La cuisine d'Aiba » ?
-Uwaaaaa! Vous êtes incroyable! Oh euh oui bonjour, ajouta Kei en enlevant sa casquette avant de s'incliner poliment.
-Bonjour. Je suis surpris, je ne pensais pas rencontrer une connaissance ici.
-J'habite pas très loin, je viens souvent faire mes courses dans ce conbini.
-Ah oui? Moi aussi pourtant.
-Vous aussi vous venez ici souvent?
-Non, non je voulais dire que j'habitais aussi dans le coin. D'habitude c'est ma femme qui vient acheter le nécessaire pour les repas. Mais comme elle ne peut plus trop sortir, je suis venu à sa place.
-Ah... »

Remarquant l'expression grave de son interlocuteur, Sakurai Sho s'empressa d'ajouter:
« Ne vous inquiétez pas, elle n'a rien de grave. Elle est enceinte et à cause des nausées...
-Ah! D'accord! ça me rassure. Vous allez donc bientôt devenir papa?
-Effectivement. »

Un nouveau sourire se dessina sur le visage du caster mais ne dura pas.
« Bon eh bien je vous laisse faire vos courses alors. A bientôt.
-O-oui. Passez une bonne journée.
-Vous aussi. »

Alors que Sho prenait la direction opposée, Kei se redressa (il s'était de nouveau incliné pour saluer le journaliste) et observa le dos de l'homme un instant.
Il faut absolument que j'en parle au patron, se dit-il.


Cigarette coincée entre les lèvres et crayon pointu dans la main droite, Ohno Satoshi était penché au dessus d'une feuille blanche totalement vierge. La plupart du temps il commençait directement à peindre sur une toile mais cette fois, un croquis s'imposait. Il hésitait encore à faire de cette oeuvre une peinture ou une sculpture. Les deux étaient possible mais laquelle choisir?

Il commença à tracer quelques traits fins et rapides, sans se soucier de cette sonnerie qui retentissait. Ohno n'y prêta aucune attention. Ou peut-être ne l'entendait-il pas? Et effectivement, c'était bien ça. La sonnerie finit même par s'arrêter mais elle reprit plusieurs secondes plus tard et cette fois, l'artiste réagit avec un petit sursaut.
« Oh c'est mon portable. »
Il le chercha un instant du regard puis le trouva sous un coussin qu'il souleva à la hâte pour pouvoir décrocher à temps.

« Allô? Oui. Non, non qu'est-ce qu'il y a? Oui... Qui ça? Non, je ne connais personne de ce nom. Bon je verrais quand il arrivera. Merci ».

Ohno raccrocha, posa son téléphone puis se replongea dans sa tâche, l'air d'avoir complètement oublié la conversation à laquelle il venait pourtant de participer. Rien ne lui paraissait étrange à cet homme. Rien ne l’interpellait. Il ne s'interrogeait même pas sur l'identité de « la personne ». Non, tout ce qui l'intéressait là, tout de suite, c'était cette feuille qui se colorait petit à petit de gris.

Ohno n'avait plus aucune notion du temps. L'heure, la fatigue ou la faim lui importait peu lorsqu'il dessinait. Enfin... Pas toujours. Mais aujourd'hui tout allait bien. Il avait même l'impression qu'il pouvait continuer jusqu'à l'épuisement totale. Et c'est sans doute ce qu'il aurait fait si une autre sonnerie, plus forte et brutale que la première ne l'avait pas interrompu.

Sa tête était encore envahit de pensées et d'idées concernant son dessin lorsqu'il se leva pour aller ouvrir. Il s'avança en direction de l'entrée, posa sa main sur la poignée et tira, sans se douter une seule seconde que derrière cette porte se trouvait l'homme qui allait changer sa vie du tout au tout.

Le temps sembla s'arrêter pour eux. Le silence s'installa naturellement. Leurs regards s'ancrent l'un dans l'autre et ne se détachent plus. Une petite hésitation se fit sentir dans les yeux du visiteur qui, finalement, se décida à parler.
« Bonjour. Vous ne me connaissez sans doute pas. Je m'appelle Ninomiya. Ninomiya Kazunari. »

à suivre...

Une semaine plus tôt

Tel un murmure résonnant à son oreille, le chant des oiseaux se fit entendre doucement, lui faisant comprendre petit à petit que le jour s'était levé. Nino tenta d'ouvrir les yeux mais sa malheureuse tentative se voua tout de suite à l'éhec. Il referma brusquement les paupières pour les rouvrir quelques secondes plus tard. Il cligna alors plusieurs fois des yeux, jusqu'à ce qu'il parvienne à supporter la lumière aveuglante du jour.

"Aaaargh!"

Le cri d'agonie qui venait de s'échapper de sa bouche n'avait rien à voir avec ses yeux cette fois. Un horrible mal de crâne força le musicien à s'aggriper la tête comme s'il avait peur de la perdre. Combien de verres exactement avait-il bu la veille? Sacrée cuite!
Il fit un effort monstre pour se lever du canapé sur lequel il avait passé la nuit puis tituba jusque la cuisine en gardant les mains assez proche du sol au cas où il tomberait.
Une fois arrivé dans la cuisine, il ouvrit un placard (un complètement au hasard) et remplit d'eau la chose qu'il pensait être un verre. Il était biensûr loin de s'imaginer qu'il buvait dans un bol mais peu lui importait.

Le liquide froid qui coula dans son œsophage n'eut pas tellement d'effet sur son état. Il lui fallait de l'aspirine et vite. Alors que cette pensée traversait son esprit, un bruit affreux perça le silence de son appartement. Le téléphone. Et le fixe en plus.

"Aaaargh!"

Nino agrippa une nouvelle fois la tête mais avec plus de force que tout à l'heure. Le bruit était insupportable. Il se précipita donc dans le salon, chercha des yeux le téléphone (il ne se souvenait plus vraiment où il était) et se jeta presque dessus pour décrocher.

"Allô?!
-Nino! Nino! Il... Il... est... Il va...
-Qu-Quoi? C'est qui?
-C'est moi! Aiba!
-Mais qu'est-ce que tu me veux bon sang? Et pourquoi tu appelles sur mon fixe?
-J'ai essayé de te joindre sur ton portable mais tu répondais pas."

Comme pour vérifier si son ami (un ami vraiment vraiment très bruyant) disait la vérité, le musicien tira son portable d'une poche de son jean et ouvrit le clapet. Sept appels manqués...

"Nino!
-Quoi?
-Il... Il est enceinte! Enfin je veux dire, sa femme est enceinte. Il... Il va avoir un enfant! UN ENFANT!
-Shhhhhhh! Pitié ne crie pas. Parle moins fort.
-Pourquoi? Tu es avec quelqu'un?
-Non. J'ai juste mal à la tête."

Une petite pause s'en suivit puis Aiba demanda, sur un tout autre ton:
"T'as encore bu?
-Bon alors de qui tu parles là? Qui va avoir un enfant? Kei?
-Bien sûr que non. Je parle de Sakurai-san. Sakurai Sho-san! Il va bientôt avoir un enfant.
-Ah. Et donc?
-Quoi? ça ne te fait pas plus d'effet?
-Non.
-T'es nuuuuuuul! Tu ne trouves pas ça merveilleux? Il va être père très bientôt. Un papa d'un petit bébé. D'un tout petit bébé!!
-Pourquoi ça te réjouit autant?
-J'en sais rien. Je trouve ça tellement... tellement bien pour lui.
-Ah bon?
-Mais oui! Bon allez faut que j'ouvre le resto'. Tu passes dans la journée hein?
-Ouais. Sûrement.
-A tout à l'heure alors. Faut fêter ça!!"
Et sur ces mots, le jeune patron raccrocha, laissant Nino quelques peu perplexe.

Son mal de crâne semblait s'être atténué mais Nino ne se sentait pas mieux pour autant. L'alcool avait toujours une multitude d'effets secondaires et la nausée en faisait partie.
Se disant qu'il fallait qu'il se change un peu les idées, il alluma sans trop se poser de question la télé et s'affala sur le canapé, les yeux rivés sur l'écran. C'est alors qu'il le vit. Cet homme qu'il avait aperçu une fois au restaurant d'Aiba. C'était le même, il en état persuadé. Et c'était lui aussi qu'il avait vu à la télé il y a un bout de temps déjà. Mais qui était donc cet homme?
Nino monta le volume. Il se souvint alors du reportage qu'il avait vu dans le passé. L'homme qu'il voyait était un artiste peintre. Et apparemment, son exposition était un réel succès.
Il doit être super connu, pensa Nino. Et vachement apprécié.

Le musicien continua de regarder l'émission jusqu'à la fin. Puis il se décida enfin à aller prendre une douche. La nausée s'était volatilisée et il avait grand besoin d'aller prendre l'air.


Comme d'habitude, le restaurant d'Aiba grouillait de monde.
Nino se fraya un chemin jusque la cuisine où il s'empara d'un tabouret pour ensuite poser ses fesses dessus. Il n'y avait personne d'autre que lui. En passant par la salle, il avait vu Aiba et Kei s'occuper joyeusement de leurs clients. Profitant de sa solitude, Nino s'approcha du plan de travail et piocha un champignon particulièrement appétissant dans un gros bol. Aiba avait horreur qu'il mange les garnitures. Le patron préférait que son ami se sert un plat déjà préparé. Alors qu'il mâchait le champignon qu'il avait piqué, la porte s'ouvrit et Aiba entra, n'affichant aucune surprise sur le visage.

"Je t'ai vu entrer, expliqua-t-il en posant son plateau. Tu travailles pas?
-Ce soir.
-Ah. je te sers quelque chose?
-Ouais, j'veux bien. Y'a du monde dis donc.
-T'as vu ça. Kei va pas tarder à tomber dans les pommes."

La porte de la cuisine s'ouvrit à nouveau et le jeune serveur apparut à son tour.
"M'sieur! Sakurai-san vien d'arriver! Annonça-t-il avec un grand sourire.
-Oh c'est vrai! Il m'a dit qu'il passerait plus tôt que d'habitude aujourd'hui. Il tient ses promesses.
-C'est pas vraiment une promesse ça, fit remarquer Nino. Il passe plus tôt parce que ça l'arrange et non pas pour te voir.
-Pourquoi t'es si méchant avec moi?? lui répondit Aiba en faisant semblant de pleurer.
-M'sieur, sa commande.
-Ah oui. Qu'est-ce que c'est?
-Un oyako don* pour lui et un unagi* pour le monsieur qui l'accompagne."

Nino leva alors subitement la tête en direction de Kei mais celui-ci ne le remarqua pas. Le patron, lui, s'empressa de préparer les deux commandes que le serveur apporta en salle.
"Aiba, je vais prendre un Shôyu ramen*. Tu diras à Kei de me l'apporter.
-Te l'apporter?
-Je vais manger dehors."

Sans laisser le temps à son ami de l'interroger sur ce brusque changement d'habitude, Nino se leva et sortit de la cuisine.
La salle était toujours aussi remplit mais il n'eut aucun mal à repérer la personne qu'il cherchait. Vêtu d'un costume gris, Sakurai Sho était assis à une table du fond, discuttant avec un homme à peu près du même âge que lui mais qui semblait presque être son contraire. Une casquette mise un peu de travers ornait la tête de l'artiste qui écoutait attentivement ce que lui disait son interlocuteur. La tenue qu'il portait était tout ce qu'il y a de plus normal: T-shirt noir et jean un peu large déchiré au niveau des genoux.
Après les avoir observé quelques minutes, Nino décida d'aller s'asseoir à une table pas trop loin d'eux. Quelque part où ils seraient dans son champ de vision. "Ils"? Non, plutôt quelque part où il serait dans son champ de vision.

A présent, de là où il était, Nino pouvait pratiquement entendre leur conversation.
Cet homme avait réveillé en lui une curiosité assez inhabituelle. Pourquoi? ça il ne le savait pas. Mais Nino sentait que quelque chose l'intriguait en cet homme. A première vue, il semblait être un homme tout à fait ordinaire. D'ailleurs, il ressemblait plus à un ado qu'à un homme. Mais en l'observant attentivement, on sentait qu'il y avait quelque chose de différent chez lui. Dans son sourire. Dans ses yeux.

Environ une heure plus tard, le musicien salua son ami et quitta le restaurant, l'air préoccupé.
La porte se refermait à peine derrière lui qu'il extirpa son portable de son sac pour chercher ensuite le numéro de son manager dans le répertoire. Deux sonneries passèrent avant que ce dernier ne décroche.
"Allô?
-Kiku-chan, j'ai un petit service à te demander.
-Vas-y je t'écoute.
-J'ai besoin d'info sur quelqu'un.
-Qui ça?
-C'est un peintre. Il s'appelle Ohno Satoshi.

à suivre...
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Notes:

*Oyako don: Plat japonais à base de riz de poulet et d’œufs.

*Unagi: De l'anguille.

*Shôyu ramen: Nouilles chinoises dont la soupe est faite à base de sauce soja.

"Asseyez-vous je vous en prie. Je vous apporte quelque chose à boire.
-Merci."
Le jeune hôte abandonna son invité à l'entrée du salon pour se diriger vers la cuisine, située bien assez loin dans cette immense maison.

Nino ne sut un instant où poser son regard. Jamais encore il n'avait été autant déstabilisé en entrant pour la première fois chez un inconnu. En même temps, cela ne lui arrivait pas souvent d'entrer chez un inconnu...
Timidement, il s'avança de quelques pas et posa doucement ses fesses sur le canapé noir qui aurait très bien pu accueillir deux personnes pour la nuit tellement il était grand. Ainsi confortablement installé, Nino leva les yeux, regarda autour de lui et tenta d'identifier un peu les goûts de son hôte. Les murs étaient peints d'une étrange couleur. Un mélange de gris et de bleu clair, impossible à dire de quelle couleur exactement il s'agissait. Le reste du mobilier, à l'instar du canapé, était tout noir. Un écran plat occupait la place du fond et, chose qui capta soudain l'intention du musicien, une table basse se trouvait à quelques pas de lui. Une table basse sur laquelle étaient éparpillées quelques feuilles. Nino s'en approcha, toujours doucement, comme s'il avait peur de faire trop bruit. Il leva ensuite son bras et déplaça légèrement le crayon posé sur l'une des feuilles. Quelque chose y était dessiné et Nino l'observa attentivement durant de longues secondes, jusqu'à ce qu'il finisse par réaliser qu'il ne voyait absolument pas ce que représentait ce dessin. Peut-être lui manquait-il ce petit quelque chose pour comprendre ce qui passait par la tête des artistes? Ou peut-être était-il tout simplement stupide? Il regarda encore plus attentivement le dessin. Rien à faire, il ne voyait toujours pas ce que c'était.

"Excusez-moi de vous avoir fait attendre" Dit alors une voix.
Nino reporta aussitôt son regard ailleurs, faisant mine de n'avoir rien fait, de n'avoir rien vu, de n'avoir rien touché.
"Ce n'est rien" dit-il.
Il accepta le verre que lui tendait son hôte et s'empressa de boire une gorgée.

Ohno Satoshi prit place dans un fauteuil, en face de lui. Il ne buvait rien. Il se contenta de s'asseoir et fixa son invité, le visage impassible.
"Je suis sincèrement désolé de vous importuner, s'excusa Nino.
-Ce n'est rien. On m'a informé de votre arrivée, ne vous en faites pas.
-Ah. Bien.
-Qu'est-ce que je peux faire pour vous euh, Ninomiya-san c'est bien ça?"

L'hésitation sur son nom signifiait qu'il ne le connaissait pas. Vexant? Un petit peu. Mais Nino ne le montra pas. Ce genre de chose arrivait après tout.

"Excusez-moi, je ne me suis pas encore bien présenté. En fait je... je suis musicien."

Une chose étrange était entrain de se produire. La voix de Nino tremblait. Toute son assurance s'était volatilisée depuis qu'il avait posé les pieds dans cette maison.  L'homme qui était assis en face de lui n'était pas celui qu'il avait imaginé. Le style décontracté d'Ohno, ses vêtements d'ado, sa façon de se tenir, tout cela avaient laissé penser à Nino qu'il avait à faire à quelqu'un d'assez cool, bavard et même un peu prétentieux, sûr de lui. Il s'était presque attendu à être accueillit avec un "Qu'est-ce que vous me voulez?" lorsqu'il avait sonné à sa porte. Mais Ohno était loin de ressembler à l'idée qu'il s'était faite de lui. Et ça c'était déstabilisant. Le fait qu'il soit si poli et aimable était déstabilisant. Le calme absolu dont il faisait preuve était déstabilisant. Et cette façon qu'il avait de le regarder était très très déstabilisante.

"Je... euh..."
Nino baissa les yeux sur son verre en cherchant ses mots. Il releva ensuite sa tête et se lança. Un peu trop vite peut-être.
"J'aimerai faire une collaboration avec vous."
Ohno ne semblait pas avoir tout à fait compris. Il cligna plusieurs fois des yeux.
"Pardon?
-Je... Excusez-moi, je sais que c'est un peu soudain mais... J'ai fais quelques recherches sur vous et j'ai appris que vous aviez commencé votre carrière en tant qu'illustrateur."
Pendant un bref instant, les lèvres d'Ohno s'étirèrent en un sourire.
"C'était il y a très longtemps, dit-il.
-J'ai vu les pochettes que vous avait dessiné. J'ai passé des heures à les contempler. Et je vous avoue que j'envie ces chanteurs d'avoir pu vendre des albums avec des pochettes aussi sublimes.
-N'importe qui peut faire ce que j'ai fais.
-Vous pensez vraiment ce que vous dites?
-Je le pense.
-Eh bien pas moi. Ecoutez, je vais être franc avec vous. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous convaincre de travailler avec moi.
-Je ne sais pas si-
-Je suis conscient que les choses ont changées, que vous êtes bien plus occupé qu'avant mais je veux que ce soit vous. Cet album que je prépare... Il est important, vos comprenez?"

Ohno ne lui répondit pas. Ses yeux continuaient d'observer Nino comme s'ils examinaient le musicien de l'intérieur. Nino se sentit soudain gêné. Il baissa une nouvelle fois les yeux et serra un peu plus fort le verre à moitié plein qu'il tenait toujours.

"Vous pouvez vous aussi vous renseigner sur moi, dit-il. Faites des recherches, demandez autour de vous. Je vous passerais même mes cds. Je vous paierai le montant qui vous fera envie. Qu'est-ce que vous en dites?"

L'absence de réaction de l'artiste commençait à inquiéter Nino. Il le suppliait presque de travailler avec lui et pourtant, Ohno restait de marbre. Alors il avait fait tout ça pour rien? Il avait dit toutes ces choses embarrassantes pour finalement essuyer un refus?
Déçu, le musicien se leva et, tête baissée, se dirigea vers la porte d'entrée. A quoi avait-il bien pu penser? Cette histoire n'aurait jamais marché. Il avait vraiment été idiot de penser le contraire.

"Votre album" Fit alors la voix de Ohno dans son dos.
Nino s'arrêta brusquement de marcher et se retourna pour faire face à l'artiste.
"Quel est le titre de votre album?"
Nino attendit quelques secondes avant de lui répondre.
"Ashita*."

Il y eut un silence de quelques secondes puis le musicien reprit:
"Alors vous êtes d'accord?"
Cette fois, ce fut Ohno qui attendit avant de donner sa réponse.
"Je vais y réfléchir."

à suivre...

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Notes:

*Ashita: Signifie "demain".

"J'comprends pas. Cet homme... Tu le connaissais avant?
-Non.
-On t'a parlé de lui alors? De son travail?
-Non plus.
-Alors pourquoi tu tiens tant à ce que ça soit lui qui le fasse?"
Cinq secondes au moins s'étaient écoulées avant que Nino ne se décide enfin à répondre.
"J'en sais rien."
Aiba ne trouva rien à lui dire. Il l'observa, muet, l'air totalement confus devant l'expression si triste de son ami.
"Qu'est-ce qui t'arrive Nino? Ne put-il s'empêché de demander. T'es plus le même depuis quelques temps. Je m'inquiète. ça va pas avec Satomi-chan?"
Nouveau silence de la part du musicien. Il semblait hésiter entre dire la vérité et inventer quelque chose pour éviter d'inquiter davantage son ami mais décida finalement que mentir ne lui servirait à rien.
"On a rompu, dit-il sans un regard en direction du cuisinier.
-Quoi?
-Satomi et moi, on a rompu."
Les yeux d'Aiba sortaient quasiment de leur orbite. De quand date cette histoire encore?!
"Je... Je savais pas. Comment? Pourquoi?
-Le soir où t'es venu me voir chez moi. Elle est passé juste après tu te souviens?
-Oui. Enfin je crois. Mais qu'est-ce qui s'est passé? Je croyais que t'avais pas l'intention de rompre?
-Je sais. Mais faut croire que j'ai changé d'avis.
-Nino! Vous sortiez ensemble depuis 8 ans! Tu étais toute sa vie! Comment t'as pu-
-J'ai préféré être honnête avec elle!"

L'échange commençait à prendre une toute autre tournure et le volume sonore montait petit à petit. Au fond de lui Aiba savait qu'il ferait mieux de mettre un terme à cette discussion tout de suite mais son cerveau refusait de lui obéir. Il se sentait tellement triste pour Satomi!
"J'en reviens pas, marmona-t-il, l'air abattu.
-Ecoute, je..."

Mais Nino ne termina pas sa phrase. Il resta là, à fixer son ami, sans rien dire, les sourcils froncés et les poings serrés. Puis, brusquement, il attrapa son sac et couru vers la porte qu'il ouvrit grand pour ensuite voler vers la sortie. Aiba en resta bouche bée. C'était à peine s'il avait compris ce qu'il venait de se passer.  Bon sang mais qu'est-ce qui lui passe par la tête exactement?! Se demanda-t-il. Et il avait l'expression de s'être posé cette question une centaine de fois dernièrement.


Assis sur une chaise peu confortable depuis maintenant une demi heure, Sho remuait distraitement une petite cuillère dans un pot de yaourt nature. A son réveil, il avait trouvé le lit vide et la salle de bain inoccupée. Sa femme s'était volatilisée très tôt le matin et n'avait aucune idée de l'endroit où elle était. Peut-être au conbini?
Alors que cette hypothèse lui traversait l'esprit, la poignée de la porte d'entrée remua. Le journaliste leva les yeux et regarda son épouse entrer.
"Okaeri~
-Eri! Où est-ce que t'étais passée?? J'ai eu peur!
-Ah désolée, s'excusa Erika en souriant d'un air gêné. Je voulais pas te réveiller alors je suis partie discrètement. J'avais mon rendez-vous aujourd'hui.
-Ton rendez..."

Sho laissa sa phrase en suspens pour réfléchir. Rendez-vous? Mais quel rendez-vous? C'est alors qu'il se souvint.
"Le rendez-vous pour l'échographie? Demanda-t-il avec étonnement. C'était aujourd'hui?
-Oui.
-Mais pourquoi tu m'as pas réveillé?! Je serais venu avec toi!
-Je sais mais tu dormais. Tu dors à peine ces temps-ci. Alors je voulais pas te réveiller.
-Eri! On aurait dû aller à ce rendez-vous ensemble!
-Mais on y a déjà été ensemble. T'en fais pas, c'est juste pour voir comment va le bébé."

Sho se laissa tristement tomber sur sa chaise. Ce sentiment de dégoût qu'il avait si souvent éprouvé durant ces derniers mois l'envahit de nouveau, comme le venin d'un serpent. Il s'en voulait tellement! Il s'en voulait de ne pas pouvoir mieux faire. De ne pas être à la hauteur.
Ses regrets devaient sûrement se lire sur son visage car sa femme s'approcha de lui, s'installa sur la chaise qui lui faisait face et lui prit la main.

"Regarde, dit-elle en lui tendant une petite feuille carré. C'est la photo du bébé."
Le caster posa son regard sur l'image. Il attendit quelques secondes puis prit la photo entre ses deux mains pour mieux voir ce qu'elle représentait. A ce stade de la grossesse on voyait très bien ce petit être qui grandissait dans le ventre de sa femme. Il semblait si petit! Si fragile!
Sho laissa échapper un rire malgré lui. Une larme tiède perla sur sa joue alors qu'il passait son pouce sur le visage du bébé. De son bébé.


"Bonjour!
-J'espère que tu m'apportes à manger parce que je meurs de faim!
-Bah? J'croyais qu'on allait déjeuner ensemble?
-Et c'est pas ce qu'on va faire?
-Si mais je pensais qu'on mangerais dehors."

Jun se pencha pour voler un baiser à sa bien-aimée puis alla directement s'allonger sur le canapé réservée généralement aux patients. Il fallait dire qu'il adorait ce canapé. Allez savoir pourquoi.

"Je sais pas si je vais avoir le temps, fit Kyôko, fouillant dans un tiroir à la recherche d'un dossier.
-Je te laisse pas le choix ma grande. Où tu viens, où tu saute ton repas. C'est toi qui voit.
-T'es un horrible maître chanteur, tu le sais ça?
-Mais oui, mais oui, moi aussi je t'aime. Alors tu viens?
-Une minute, faut que je range des trucs.
-Okay."

En attendant que sa petite amie ai fini de faire ce qu'elle avait à faire, Jun attrapa le bloc note posé sur la table basse et commença à lire ce qui était inscrit sur la première page. Le contenu était assez captivant, à tel point que le jeune homme poursuivit sa lecture jusqu'au bout, jusqu'à ce que la propriétaire du bloc note lui lance d'une voix forte:
"Hey! C'est confidentiel!
-Il a l'air très instable dis donc ton patient.
-C'est justement pour ça qu'il vient me voir. Repose-moi ça!
-On peut y aller?
-Oui."

Alors que Jun reposait le bloc note là où il l'avait trouvé, Kyôko se leva pour attraper son sac et, ensemble, il quittèrent le bureau pour aller déjeuner.

à suivre...

La table en bois encore un peu humide sentait fort le produit nettoyant. Une caisse métallique ouverte était posée dessus et un coude légèrement rosie tapait de temps à autre contre elle lorsque son propriétaire décidait de changer de position.

"M'sieur?"

Aiba leva le nez et posa son regard sur son employé qui se débarrassait de la serviette qu'il avait gardé sur sa tête toute la journée.

"J'ai finis de nettoyer la salle.
-Merci Kei. Tu peux rentrer. 
-Bonne soirée m'sieur!"
Il s'apprêtait à franchir la porte lorsqu'il s'arrêta soudain et fit demi tour.
"M'sieur?
-Hm? Fit cette fois Aiba sans lever les yeux, rangeant dans la boîte métallique les billets qu'il avait compté.
-ça fait longtemps que... enfin je me disais qu'on... est-ce que Ninomiya-san va bien?"
Surpris, Aiba regarda Kei droit dans les yeux, l'interrogeant du regard.
"Pourquoi cette question?
-Eh bien, je me disais juste qu'il n'est pas venu ici depuis un bout de temps maintenant et... ça ne vous inquiète pas vous?
-Bien sûr que si.
-Vous l'avez appelé?
-Non."
Ce fut au tour de Kei d'être surpris par le visage inexpressif de son patron.
"Il est bizarre ces derniers temps, poursuivit ce dernier. Je n'ai pas arrêté de lui demander ce qu'il avait mais je peux rien pour lui s'il ne veut pas me parler.
-Mais m'sieur, et si c'était vraiment très grave? Genre une maladie incurable ou quelque chose comme ça?
-Je ne pense pas, non. 
-Vous n'allez pas lui demander alors?
-J'ai décidé de ne plus être sur son dos jusqu'à qu'il vienne me parler de lui-même.
-Oh."

Aiba verrouilla la caisse métallique l'attrapa, puis se leva.
"C'est très gentil à toi de t'inquiéter Kei, dit-il en lui adressant un sourire amical. Mais ne t'en fais pas. ça devrait aller pour lui.
"Oui m'sieur. Bonne soirée m'sieur.
-Toi aussi."

Aiba resta là quelques secondes, suivant du regard son employé puis baissa le yeux.
Est-ce que ça allait vraiment? Il n'en n'était pas si sûr en fait.


Le réveil qui trônait sur sa commode indiquait deux heures du matin. 
Jun fit une demi rotation, se mit sur le ventre et s'appuya sur le coude, la paume de sa main posée sur sa joue tiède.
"ça t'arrive souvent de bouquiner à cette heure-ci?"
Kyôko lui répondit sans même le regarder.
"J'ai pas le temps de lire dans la journée."

Mais après une ou deux minutes de réflexion, elle plaça un marque-page dans son livre qu'elle ferma puis se tourna vers Jun.
"Désolée, tu as sommeil? Tu veux que j’éteins la lumière?
-Non ça me dérange pas. Je me posais juste la question."
Il souriait. Peut-être était-ce pour la rassurer?  Elle lui rendit son sourire puis s'allongea près de lui, son visage à quelques centimètres du sien. 
"Tu veux connaître une autre de mes habitudes? Lui demanda-t-elle, toujours en souriant.
-Avec grand plaisir.
-J'aime embrasser des lèvres pulpeuses comme les tiennes avant de me coucher.
-Mes lèvres sont pulpeuses?
-Tes lèvres sont la définition même de ce mot très cher.
-"Très cher"?

Mais la jeune psy posa une main sur chacune des joues de Jun, obligeant celui-ci à reposer son bras qui était en appuie et l'embrassa tendrement, follement, ardemment et de bien d'autres façons jusque tard dans la nuit.


Le chanteur avait choisi de ne rien faire pendant au moins une semaine. Du moins rien d'autre que jouer à ses jeux vidéos, comme un adolescent qui n'avait ni envie de sortir, ni envie de parler à qui que ce soit. C'était d'ailleurs ce qu'il était, pensait-il: un adolescent qui était resté coincé dans le corps d'un adulte.

Alors qu'il en était à sa troisième console, un grondement féroce retentit quelque part. Il fallut plusieurs minutes au chanteur pour réaliser que le bruit venait de son ventre qui criait famine. Presque instinctivement, Nino leva les yeux vers l'horloge. Vingt et une heures. Il attrapa son portable, l'alluma et plissa ses yeux lourds de fatigue pour mieux voir. C'était un mercredi. Il se dit qu'il était arrivé à presque la moitié de sa semaine de glandage-flemmardise. Il mit sa partie sur pause.

Lâchant un soupir, Nino se leva et traîna les pieds jusque la cuisine. Rien dans le frigo ne lui faisait envie. Ou plutôt, rien dans le frigo ne lui donnait envie de faire l'effort de cuisiner. Il se tourna donc vers le placard et l'ouvrit. Des boîtes de ramen instantanés se présentèrent alors à lui, l'invitant à en prendre une parmi elles.
Une dizaine de minutes plus tard, Nino se retrouvait assis par terre dans le salon, les nouilles instantannées bouillonnant dans ses mains. Le parfait cliché du mec assez pathétique qui préférait jouer aux jeux vidéos plutôt que d'avoir une vie sociale. Et pour finir le tableau en beauté, Nino renversa une bonne partie du bouillon sur lui dés la première tentative de dégustation, ce qui le fit grogner. Il se leva à la hâte, chercha des yeux quelque chose, n'importe quoi, qui pourrait éponger tout ce liquide mais avant qu'il ne parvienne à mettre la main sur cet objet divin, quelqu'un sonna. Quelqu'un qui savait bien choisir son moment apparemment.

Continuant de maugréer, le chanteur s'avança en direction de la porte qu'il ouvrit sans même demander qui c'était. Il failli crier.
"Bonsoir" le salua poliment son visiteur, d'une voix douce.
Nino resta là, comme un idiot, clignant des yeux plusieurs fois. Il aurait pu dire n'importe quoi, faire tout ce qu'il voulait, paraître aimable, chaleureux, intelligent. Mais non. Il a fallu qu'il ressemble à un parfait idiot, avec en plus, une énorme tâche dégoûtante sur son tee-shirt.

Ohno Satoshi l'observa sans ciller puis inclina légèrement sa tête sur le côté, comme pour demander si quelque chose n'allait pas.
"Je suis désolé de venir sans prévenir, dit-il de cette même voix douce qu'on entendait à peine. Je peux repasser si je vous dérange.
-NON! Enfin je veux dire, non, reprit Nino, sans hurler cette fois. Entrez, je vous en prie."
Il ouvrit davantage la porte et invita d'un geste le peintre à entrer. Le chanteur referma ensuite le battant et se demanda ce qui l'attendait maintenant.
Bon sang, pensa-t-il en commençant à se sentir nerveux.

à suivre...