Alors que la blague de Nino fit éclater de rire toute l’équipe de techniciens et le reste des chanteurs du groupe, Sho jeta un rapide coup d’œil à sa montre et cessa aussitôt de rire.
« Yabe! » S’affola-t-il.
Ne perdant pas une seconde de plus, le rappeur jeta au hasard ses affaires dans son sac et se précipita vers la sortie.
« On se voit demain les gars. Je dois rentrer. »
Un ensemble de voix d’hommes lui répondit et la porte du studio se referma.
Sho courrait presque en direction de sa voiture. Ça faisait la quatrième fois cette semaine qu’il allait rentrer tard, vraiment très tard chez lui.
A peine conscient des gestes qu’il exécutait, le jeune homme ouvrit la portière arrière du véhicule, balança son sac sur la banquette, referma la portière puis s’installa derrière le volant. Il démarra ensuite et ne descendit qu’une fois en bas de son immeuble qui s’élevait haut dans le ciel noir de la nuit.
Un peu plus calmement cette fois, Sho franchit les portes vitrées du bâtiment et pénétra dans la hall lumineux avant de s’avancer en direction de l’ascenseur. La cabine débuta son ascension puis s’arrêta dans une secousse au dixième étage, là où vivait le chanteur.
Sac à dos agrippé à son épaule, l’idole s’approcha de la porte de son appartement et inséra sa clé dans la serrure. Un déclic se fit puis la porte s’ouvrit.
« Tadaima~ Dit alors Sho en entrant. Désolé désolé désolé! Je suis vraiment désolé pour le retard! »
L’absence de toute réponse incita Sho à lever un sourcil derrière la frange qui recouvrait une partie de son front.
« Ai? » Appela-t-il dans l’espoir d’entendre une voix douce lui dire qu’il pouvait entrer sans crainte.
Sho se trouvait à présent dans le salon qui, apparemment, était désert.
« Ai, tu es là? Excuse-moi de rentrer si tard. J’avais du travail. »
Toujours aucune réponse. Le chanteur fut tenté d’aller jeter un coup d’œil dans la chambre et la salle de bain mais une enveloppe posée sur la table basse, coincée sous le téléphone, attira soudain son attention, l’empêchant ainsi d’aller où que ce soit.
« Tiens? Qu’est-ce que c’est que ce truc? »
De quelques pas, le rappeur s’approcha de la table et en profita pour se s'asseoir sur le canapé, la fatigue s'emparant petit à petit de son corps.
L’idole prit dans ses doigts fins l’enveloppe blanche sur laquelle le prénom de sa petite amie était inscrit dans un coin, suivit de l’indication « Pour Sho ».
Un sourire joyeux se dessina sur les lèvres du jeune homme. Peut-être était-ce une surprise? Impatient de découvrir le contenu de l’enveloppe, Sho l’ouvrit et en sortit ce qui semblait être une lettre. Les yeux du chanteur la parcoururent rapidement tandis que son cœur accéléraient peu à peu la cadence.
Sans attendre davantage, Sho se lança dans la lecture.
Cher Sho,
Oui, ça me semble être un bon début ça. Je ne savais pas vraiment de quelle façon commencer, excuse-moi pour cette entrée quelque peu maladroite.
Ça va faire bientôt une demi heure que je réfléchis mais je ne sais toujours pas ce que je vais te dire. Ou du moins la façon dont je dois te le dire. Mais je n’ai pas le choix alors je m’y mets rapidement.
Tu sais, dans très exactement une semaine, ça fera six mois qu’on habite ensemble toi et moi. Je me souviens de ce jour, quand tu m’as proposé de vivre avec toi, je n’en revenais pas. J’étais tellement surprise que j’ai quasiment bondit sur toi pour te prendre dans mes bras. Même maintenant, quand j’y repense, je ressens cette joie qui envahit mon corps tout entier et me fait sourire.
Depuis ce jour, tu m’as fait goûter à une vie meilleure, une vie magique, une vie que je partageais avec toi. Chaque minute que je passais avec toi semblait plus précieuse que jamais. Tu m’as fait connaître le bonheur Sho. Mais je ne savais pas à l’époque que ce bonheur ne durerait pas. »Le jeune homme marqua une pause tel un coureur essoufflé qui avait besoin de quelques secondes pour récupérer de l’énergie. Le cœur du rappeur battait à tout rompre. Bon sang qu’est-ce qui lui tombait dessus là?! Sentant sa bouche sèche et sa gorge nouée, Sho reprit sa lecture.
« Je ne t’ai jamais demandé de m’offrir un bijou ou de m’acheter de jolies vêtements. Je n’attendais rien de toi, rien d’autre que ta présence. Mais la seule chose que je demandais, tu me l’a retiré.
Ce n’est pas un reproche que je te fais. C’est de ma faute. Tout est de ma faute. Ce que j’éprouve, ce que je pense… cette possessivité… c’est entièrement de ma faute.
Personne n’appartient à qui que ce soit. Je le sais très bien ça. Et pourtant, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que tu étais à moi. Tout comme le fait que j’étais à toi.
Mais j’ai perdu Sho. J’ai perdu face à ton groupe. J’ai perdu face à ton travail.
Je pensais t’avoir rien que pour moi mais j’ai fini par me rendre compte que je te perdais. Chaque jour un peu plus. Ou alors était-ce moi qui disparaissais de ta vie?
Remarque, ça serait vraiment mérité, vu la lâcheté dont je fais preuve à cet instant.
Tu pourrais penser que j’aurais dut te dire tout ça en face, qu’on aurait pu en parler et régler le problème. Mais j’en avais pas le courage. J’avais peur qu’en te voyant, je refoule encore mes véritables pensées. J’avais peur de voir ton sourire si doux et de t’entendre me demander « Est-ce que ça va Ai? » de cette voix chaleureuse. Je voudrais tellement pouvoir me blottir contre toi et te dire à quel point je ne supporte plus cette solitude! Mais je continue de penser que si je t’avais dit la vérité, je t’aurais sans doute fait culpabiliser alors que tu n’y es pour rien. Tout est de ma faute après tout.
Je ne t’ai pas parlé de ces soirées durant lesquelles je t’attendais des heures et des heures avant de finir par m’endormir. Je ne t’ai jamais dit que ces nuits passées sans toi me faisaient mal. Je ne t’ai pas non plus avoué à quel point tu me manquais ces derniers jours. Tout est de ma faute.
Mais j’ai peur. J’ai peur qu’avec cette distance, je finis par te détester.
Mes sentiments pour toi sont tout ce qu’il me reste. C’est pourquoi j’ai décidé de mettre un terme à tout ça. Une décision lâche et égoïste, j’en suis consciente. Mais je préfère ça plutôt que de rester près de toi et d’affecter ton bonheur.
Je t’aime Sho. Mais je ne peux plus continuer comme ça.
Alors… Sayonara. »A la lecture de ce dernier mot, Sho crut que son cœur s’était transformé en béton avant de s’autodétruire en un millier de morceaux. Figé comme il était, une personne extérieure aurait sans doute pensé en le voyant qu’il était inconscient. Il se demanderait même si le rappeur respirait.
Tenant toujours la lettre d’adieu dans ses mains moites, Sho la fixa sans vraiment la voir, tandis que quelques larmes venaient s’écraser contre la feuille, tel un début d’averse.
« Pourquoi…? Murmura alors l’idole en serrant la lettre avec un peu plus de force. Tu aurais dû m’en parler Ai! Tu… aurais dû… »
Les mots peinaient à sortir de sa bouche, plus sèche encore qu’avant. La douleur qu’il éprouvait à cet instant lui faisait tellement mal qu’une envie de hurler lui brûlait la gorge. Ce cœur… ce cœur si lourd lui faisait tellement mal! Si seulement il pouvait s’en séparer! L’arracher et le jeter au loin!
Les larmes doublèrent de volumes et vinrent brouiller totalement sa vue.
Sho baissa alors sa tête et rapprocha son visage de la lettre qu’il froissait à moitié.
« POURQUOI AI???! POURQUOI TU NE M’AS RIEN DIS?! »
La lettre fini par lui glisser des mains et le rappeur se laissa tomber entièrement sur le canapé, laissant tout sentiment de joie ou de bonheur l’abandonner pour de bon.
Dans un tel état, il n’aurait jamais pu entendre les bruits de pas qui se rapprochaient.
Des bras vinrent alors le saisir par le cou pour le serrer chaleureusement contre un corps tiède.
« Je suis désolée. »
Sho ne comprenait pas tout à fait ce qui se passait. Mais il avait reconnu la voix de Ai.
« Je n’avais pas la force de te dire tout ça en face. Mais je ne pouvais plus le garder pour moi c’est pour ça que j’ai écrit cette lettre. Je t’assure que je n’avais jamais l’intention de partir. Ce satané psy m’a demandé de te le faire croire. Je ne serais jamais parti Sho. Je te le promet! »
Le rappeur ne répondit pas. A vrai dire, son cœur ressuscité depuis environ cinquante secondes ne lui laissait pas encore la possibilité de réaliser que la femme qu’il aimait était toujours là. Mais le jeune homme fit tout de même un effort et articula, entre deux reniflements:
« Tu souffrais au point d’aller voir un psy mais tu ne m’as rien dit?
-Excuse-moi. C’était vraiment idiot, j’te demande pardon.
-Non.
-Hm? »
De nouveau, Sho ne répondit pas. En revanche, il serra très fort Ai dans ses bras et ferma les yeux.
« Ce n’était pas idiot. Heureusement que tu en as parlé à quelqu’un. Mais à l’avenir, dis-le moi quand quelque chose ne va pas.
-Je te le promet.
-Et… Excuse-moi de t’avoir fait autant de mal.
-Non, c’est de ma…
-Ce n’est pas ta faute Ai. Rien ne compte plus que toi à mes yeux. Tu sais que je t’aime.
-Bien sûr que je le sais.
-Alors n’en doute plus. »
Ce fut au tour d’Ai de rester muette. Elle renforça à son tour l’étreinte et esquissa un sourire, sentant enfin son cœur s’alléger.
Fin