Le Rôle de sa Vie
De nos jours :Ninomiya parcourait les couloirs de l’hôpital tranquillement. Les infirmières le saluèrent gentiment sur son passage, certaines rougissaient même lorsqu'il leurs répondait avec un petit sourire en coin et un clin d’œil. Un jeu qui l'amusait toujours autant. Il regarda sa montre et soupira. Il lui restait encore quelques personnes à voir avant de rentrer chez lui et de pouvoir commencer son nouveau jeu. Il allait rentrer dans une chambre quand il entendit du bruit et vit un jeune homme sortir, fâché, de la chambre d'à côté.
- Tu es vraiment têtu !! Mais cette fois, tu ne gagneras pas ! Je ne te laisserais pas comme ça alors que j'ai la possibilité de te soigner ! Que tu le veuille ou non, cette opération se fera !
Il entendit le malade de la chambre lui répondre sur le même ton. Il haussa les épaules et ouvrit la porte.
- Alors, Washizuka-san, comment allez-vous aujourd'hui ?
- Kazunari-kun, tu es venu. Je vais bien, merci.
- Je vois ça, vous êtes radieuse aujourd'hui ! De toutes les fleurs qui ornent cette pièce, vous êtes la plus resplendissante !!
- Vil flatteur ! Je sais que c’est pas vrai ! Mais comme tu es mignon, je te pardonne va ! Mais au lieu de draguer une vieille femme malade, tu ferais mieux de voir du côté des infirmières de ce service ! Tu es très populaire tu sais ! Je me demande comment ça se fait que tu n'ai pas encore trouvé chaussure à ton pied !
Nino lui répondit par un petit sourire énigmatique.
- Alors, comment se passe votre traitement ?
Le lendemain, Nino quitta son travail un peu en retard. Il avait eu des problèmes avec un logiciel qu'il devait programmer et avait eu du mal à éviter ses collègues qui, pour la millième fois, venaient lui proposé de boire un verre puis d'aller au karaoké. Aussi arriva-t-il en soupirant à l’hôpital. Il alla à l'accueil récupérer son badge et salua toutes les infirmières. Au détour d'un couloir, il vit le jeune homme qui avait crié hier. Celui-ci était en train de parler avec un médecin et l'infirmière en chef du service et il paraissait contrarié. Celle-ci d’ailleurs, avisant Nino plus loin, s'excusa et vient le rejoindre.
- Ninomiya-kun, j’aurais un service à te demander.
- Que se passe-t-il ?
- J'aimerais que tu rendes visite au patient de la chambre 103, s'il te plaît. Il doit se faire opérer mais il refuse l'opération. Or, nous ne pouvons rien faire sans son accord. Est-ce que tu peux essayer de... le convaincre.
- Je ne suis pas médecin, je ne sais pas si je peux le convaincre comme ça.
- Discute juste avec lui. J'ai confiance en toi, je sais que tu trouveras les bons mots.
Sur-ce, elle le laissa pour aller rejoindre son box. Nino soupira puis décida de tenter le coup. La chambre 103, c'est celle d'où le jeune homme de tout à l'heure était sorti en colère. Prenant une grande inspiration, il frappa et entra.
- Bonjour !
- Qui êtes-vous ?
Nino grimaça sous le ton abrupt du jeune homme qui reposait sur le lit.
- Je m'appelle Ninomiya Kazunari. Je travaille comme bénévole pour l’hôpital. Je rends visite aux patients pour discuter un peu.
- Je n'ai pas envie de discuter.
- Tout le monde dit ça au début et puis après, ils se rendent compte que c'est plus facile de discuter avec moi, un parfait étranger qu'avec le personnel médical ou sa famille. Il y a des choses que les gens ne peuvent confier qu'à moi qui suis totalement neutre.
Le jeune le regarda bizarrement. Nino lui fit un petit sourire encourageant.
- Vous n'êtes pas obligé de me parler si vous ne le souhaitez pas, je venais juste me présenter. Sur ce, je vais vous laisser.
Mais avant d'avoir franchit la porte, une voix l’arrêta.
- Désolé d'avoir été malpoli. Je m'appelle Matsumoto Jun. Revenez me voir si vous voulez.
- Je n'y manquerai pas. Au revoir, Matsumoto-san.
Cela faisait maintenant deux semaines que Nino venait voir Matsumoto tous les jours. Bien que discret au début, celui-ci s'était vite sentit séduit par le franc parler et le caractère espiègle de Nino. Il avait compris pourquoi il était populaire dans l’hôpital. Il apportait une bouffée d'air frais à toutes les personnes clouées dans un des lits de cet hôpital. Son rire amenait toujours un sourire sur le visage de celui qui l'avait provoqué et sa répartie faisait souvent éclater de rire les patients. Les deux jeunes hommes avaient petit à petit construit un début d'amitié qu'ils voulaient voir se prolonger le jour où Jun sortirait de l’hôpital. Nino avait appris que Jun souffrait d'une insuffisance rénale. Celle-ci s'était aggravée au fil du temps, ce qui obligeait le jeune homme à rester à l’hôpital en attendant une greffe.
Alors que Nino se dirigeait vers la chambre de Jun, l'infirmière en chef l'interpella.
- Alors comment ça se passe avec le jeune Matsumoto ?
- C'est un gars sympa. Je l'aime bien et j'aimerais bien le revoir une fois qu'il sera définitivement sorti d'ici. Il n'y a toujours pas de rein disponible pour lui ?
- Il ne t'a rien dit ? Cela ne m'étonne même pas !
- Qu'est ce que vous voulez dire ?
- Nous avons un donneur pour lui mais il refuse totalement l'intervention.
- Hein ?! Mais pourquoi ?
- Tu te souviens du jeune homme qui vient lui rendre visite ? C'est son meilleur ami. Il veut lui donner un de ses reins. Mais Matsumoto refuse. Or, sans son accord nous ne pouvons rien faire. Nino, essayes de lui parler. Son état est grave, tu sais, il ne tiendra pas longtemps si cela continue.
- Je vais faire de mon mieux, répondit-il en ouvrant la porte.
En le voyant, Jun lui offrit un immense sourire.
- Nino, je suis content de te voir, je me demandais quand tu allais passer !
- Et ben me voilà ! Comment ça va ?
- Bof, j'ai connu mieux !
- Mouais ! Alors, le jeu que je t'ai prêté, tu le trouves comment ? lui demanda-t-il en désignant la DS sur la tablette.
Ils discutèrent ainsi pendant un bon quart d'heure quand Nino décida enfin de poser la question.
- Jun, j'ai entendu de l'infirmière en chef que tu avais un donneur pour ton rein mais que tu refusais l'opération. Pourquoi ?
Aussitôt, Jun se renfrogna et baissa les yeux.
- Cette opération peut te sauver la vie tu sais, pourquoi tu refuse de donner ton accord ?
- Ça ne te regarde pas !
- Houlà ça fait mal, ça ! Moi qui pensais que l'on était ami !
- Ça n'a rien à voir !
- Au contraire, en tant qu'ami, j'ai le droit de savoir pourquoi tu es aussi têtu et borné.
- Je ne veux pas c'est tout !
- Pourquoi ?
- C'est compliqué..., mais voyant que Nino ne se contenterait pas de cette excuse il poursuivit. Je sais qu'il veut me donner son rein mais il agit sur un coup de tête ! Il ne s’est pas rendu compte de ce qu'il faisait. Même si vivre avec un seul rein est facile, certaines choses vont quand même changer pour lui. Sans compter, l’opération. Et s’il lui arrivait quelque chose, une allergie aux anesthésiques, ou une complication, je ne sais pas moi ! Je ne veux pas qu'il prenne ses risques pour moi. Je ne le mérite pas !
- Et il ne t’est pas venu à l'esprit que pour lui tu les méritais? Qu'il était près à subir n'importe quelle épreuve pour que tu restes en vie et que tu restes avec lui !
- Je... je ne veux pas ! Je ne me le pardonnerais jamais s’il lui arrivait quelque chose !
- Jun, regarde-moi.
Le plus jeune leva son regard vers lui et fut surpris de le voir sourire. Un sourire qu'il n'avait encore jamais vu sur ce visage, doux et mélancolique.
- Jun, laisse-moi te raconter une histoire...
Trois ans auparavant :Nino rentrait rapidement à son appartement. Aujourd'hui c'était un jour important ! Cela faisait un an maintenant que Sho avait trouvé le courage de lui dire ses sentiments ! Un an qu'ils étaient ensemble, un an de rire, de caresses, de baisers, de disputes et de larmes. Alors pour fêter l’événement, Nino avait prévu un petit dîner romantique, avec vin, musique d'ambiance et plus si affinités.
Lui et Sho s'étaient rencontrés à l'université où Nino faisait sa rentrée dans la section informatique. Pour aider les nouveaux élèves, une association étudiante proposait un tuteur pour leur faire découvrir le campus et les soutenir pendant les premiers mois de leurs études. C'est ainsi que Nino se retrouva à avoir pour tuteur Sakurai Sho, étudiant en deuxième année d'économie. Au début, leur relation n'était pas des plus amicale. En effet, Sho, étudiant sérieux et modèle, avait du mal avec l'espiègle et fainéant Ninomiya. Aussi plusieurs disputes avaient éclaté entre ses deux-là. Cela se calma quand après une énième dispute, Sho perdit son sang froid. Il était totalement furieux et criait après Nino au beau milieu de la bibliothèque, de sa sacro-sainte bibliothèque. Quand la bibliothécaire vient pour les mettre à la porte, Nino éclata alors brusquement de rire. Quand il parvient à se calmer, il se tourna vers un Sho toujours aussi furieux et lui déclara que finalement sous cet air de garçon modèle, se cachait un garçon impulsif et colérique. Il conclut par un 'Dieu merci tu n'es pas si psychorigide, je crois que finalement on va bien s'entendre !'
C'est ainsi que petit à petit, ils sont devenu amis. Nino avait découvert en Sho un ami fidèle, un peu maman poule, gentil et drôle. Sho avait découvert en Nino un ami drôle, espiègle, sale gosse mais terriblement attachant. Tout les deux ne se souvenaient plus vraiment quand leurs sentiments d'amitié s'étaient transformés en amour. Peut-être que ces sentiments étaient présents dès le départ mais qu'aucun des deux ne voulaient vraiment y prêter attention. Pour Nino, même si Sho ne l'aimait pas, être à ses côtés était suffisant. Il accepterait même que celui-ci ai une petite amie, se marie et ai une ribambelle d'enfant, du moment qu'il pouvait rester avec lui pour toujours. Il était heureux de son rôle de meilleur ami, de confident. Pour Sho, Nino était l'homme qui lui permettait d'être lui-même. Il voulait continuer de le protéger et de le gâter. Du moment que Nino continuait de le voir comme un ami, alors Sho était heureux. Leur façon de penser pouvait être étrange, mais ils étaient heureux dans ce bonheur tout simple d'être aux cotés de la personne aimée.
Et un soir, alors qu'ils regardaient un film dans l'appartement de Nino, Sho l'avait embrassé. Rien n’était prémédité, tout était partis d'un jeu, Nino l'avait taquiné, Sho l'avait poussé, Nino s'était vengé. Et alors que Nino avait le dessus, Sho avait levé la tête pour déposer ses lèvres sur les siennes. C'était rapide, un bref contact comme une caresse, un contact éphémère et doux auquel il aurait pu ne pas prêter attention tellement il était léger. Mais Nino avait l'impression de n'avoir jamais ressentis un contact aussi fort de toute sa vie. Il reprit ses esprits en sentant Sho essayer de se défaire de sa poigne. Mais il resserra sa prise et le dévisagea intensément. Et pour une raison inconnu, Sho recommença à l'embrasser sauf que cette fois-ci Nino ne le laissa pas partir et répondit. C'était un baiser court, un simple contact mais qui contenait tellement de sentiments, de l'amour, de la douceur mais surtout de la crainte. Et Sho les prononça, ses trois petit mots, ses mots que Nino n'avait jamais espéré entendre. Et pour la première fois de sa vie, il sentit son cœur battre violemment, lui procurant une chaleur intense, comme s’il se remplissait de bonheur.
Cela s'était passé il y a un an jour pour jour mais à chaque fois que Nino y pensait, la même chaleur le prenait, il sentait son cœur battre de bonheur et d'amour. Il mit une dernière touche à sa table et allait surveiller son dîner quand il entendit Sho rentrer. Un immense sourire envahit son visage quand il lui sauta au cou pour l'embrasser et lui souhaiter un joyeux anniversaire.
La soirée avait été parfaite, du dîner jusqu'au coucher. Cette nuit là, ils s'étaient aimés passionnément, tendrement, mettant dans tous leurs gestes tout l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Allongé dans le lit, Sho lui avait offert une chaîne en argent où pendait un morceau d'ambre en guise de pendentif. Nino l'avait pris dans ses bras et avait posé sa tête sur son torse pour entendre son cœur battre. Sho l'avait alors serré dans ses bras. Nino avait l'impression que le monde pouvait s'arrêter de tourner, il n'en aurait rien à faire. Ici dans ses bras, tout contre ce cœur, il était chez lui, jamais il ne s'était sentis autant à sa place, aimé, protégé, comblé. Tellement comblé.
Mais pourquoi fallait-il que la réalité les rattrape? Pourquoi le destin ne pouvait-il pas les laisser en paix? Était-il donc trop heureux tout les deux? Était-ce leur punition pour avoir voulut ne serait-ce qu'un instant oublier le mal qui se cachait au sein de leur couple?
Nino avait fait un malaise pendant son cours dû à un manque d'oxygène. Son cœur n'avait plus assez de force pour faire sa fonction de pompe et cela provoquait des problèmes d'oxygénation de son sang. Les médecins ne lui donnaient guère plus de trois mois à vivre s'il n'avait pas de greffe rapidement. Et le sourire joyeux qui illuminait encore son visage ce matin était maintenant remplacé par un torrent de larmes. Sho le serait contre lui si fort comme s’il avait peur qu'il disparaisse à l'instant même.
Et plus les semaines passaient, plus l’attente était longue. Cette horrible attente qui vous broie les tripes et qui à mesure que le temps passe, brise les quelque miettes d'espoir qu’il vous reste. Cette attente insupportable qui ne vous laisse aucun répit.
Nino perdait peu à peu espoir de voir sa greffe arriver à temps. Pour lui, c'était la fatalité, il avait eu son lot de bonheur dans la vie et encore plus quand Sho et lui avait commencé à sortir ensemble. C'était plus que suffisant et il s'était fait une raison. Il n'avait pas peur de mourir et ne se sentait pas triste puisqu'il avait eu le bonheur de voir l'homme qu'il aimait l'aimer en retour. Mais son cœur se brisait à chaque fois qu'il voyait Sho, son Sho, dont le regard perdait peu à peu de son éclat à mesure que le temps passait, Sho qui se raccrochait à n'importe quel espoir pour ne pas accepter ce qui allait fatalement se passer. Sho lui avait dit que tant qu'il pourrait se battre alors il continuerait d'espérer. Il n'était pas seul, ils étaient deux, deux êtres qui s'étaient trouvés. Il refusait de vivre sans lui, il préférerait mourir. 'Je refuse de vivre avec un cœur mort si tu n'es plus là! Ce cœur -il prit la main de Nino et la mis sur sa poitrine- ne bat et ne battras jamais que pour toi! Si tu n'es plus là, alors il n'a plus d'utilité.'
Au bout d'un moi et demi, Nino fut placé 24h sur 24h à une machine qui lui oxygénait le sang. Il passait la plupart du temps à somnoler, à moitié inconscient, cette opération étant très fatigante pour lui. Dans les brumes de son esprit, il continuait d'entendre Sho lui dire de s'accrocher, de ne pas laisser tomber, que bientôt un cœur allait arriver. Il l'entendait souvent pleurer et supplier les médecins de faire quelque chose, qu'il y avait sûrement une autre machine qui pouvait lui rallonger son espérance de vie en attendant qu'un cœur arrive.
Et puis un jour, alors qu'il dormait, il fit un rêve. Il marchait dans la rue, seul. Il pleuvait et les gouttes d'eau se mêlaient aux larmes sur son visage. En s'essuyant avec sa main, il vit alors un enfant pleurer au bout milieu de la route. Puis il vit deux fortes lumières puis plus rien. Mais dans ce noir, il entendit un son, un murmure :
'Nino'
De nos jours:Nino ferma la porte de la chambre. Il laissa Jun seul avec ses pensées et rentra chez lui. Il déposa son sac dans l'entrée, enleva ses chaussures et sa veste. Il alluma la télé et alla prendre un petit arrosoir pour donner de l'eau à un petit pot de pensées. Puis il alla brancher sa console et commença à jouer. A côté du pot de fleur, reposait une photo de lui et de Sho enlacés, riant joyeusement.
Le lendemain, il reçut un coup de téléphone de l'infirmière en chef lui disant que Jun acceptait l'opération qui aurait lieu deux jours plus tard. Le jour J, il attendait la fin de l'intervention sur le toit de l'hôpital. Aiba, le meilleur ami de Jun, l'avait remercié chaleureusement, l'infirmière en chef lui ayant dit que c'était grâce à lui que Jun avait accepté. Celui-ci n'avait d'ailleurs rien ajouté et lui avait parlé normalement. Mais Nino avait vu dans ses yeux, tout ce que celui-ci ressentait et c'était plus que suffisant.
Nin leva alors son visage pour regarder le ciel. Cela faisait maintenant trois ans que Sho était mort dans un accident. Un soir pluvieux, alors qu'il rentrait chez eux, il avait sauvé un enfant qui allait se faire écraser par une voiture qui partait en aqua-planning. Les secours étaient arrivés rapidement mais n'avaient rien pu faire. Dans l'ambulance qui le menait à l'hôpital, Sho avait alors murmuré ses mots:
'Donnez mon cœur à Nino'.Nino posa alors sa main sur sa poitrine. Il pouvait les sentir, ses battements qui prouvaient qu'il était en vie, que Sho était en vie dans ce cœur, qu'il continuait à l'aimer et à le protéger.
- Je t'aime Sakurai Sho
Il senti son cœur battre plus fort alors qu'une immense chaleur l'envahissait, lui prouvant que Sho vivait et que son cœur continuait à assurer la tâche qu'il lui avait confié: battre pour Ninomiya Kazunari.